Publié le mardi 24 octobre 2017
Preum’s : elle crée son magazine à 27 ans
Fraîchement diplômée en journalisme, Sara Correa décide en 2014 de se lancer avec une amie dans la création d’un magazine. Deux ans plus tard, Preum’s, le magazine des 6-10 ans, sort en version gratuite dans la région bordelaise. Le 11 octobre dernier, le premier numéro payant est diffusé dans toute la France. Retour sur son expérience.
La création du magazine Preum’s
Culture Formations. Comment avez-vous eu l’idée de créer un magazine pour les enfants ?
Sara Correa. A la sortie de l’école, j’avais très envie d’entreprendre. Clara, une amie maquettiste, et moi nous étions aidées mutuellement pour la création de notre mémoire de fin d’études et notre binôme fonctionnait bien. Comme il n’y a pas beaucoup de postes dans le journalisme, nous avons décidé de créer notre propre emploi en sortant un nouveau magazine. C’était en 2014 et la presse gratuite était en pleine croissance. Or, nous avons constaté, sur ce créneau, qu’il n’y avait pas ou peu de journaux pour les enfants. Nous avons ainsi fait une étude de marché et plusieurs tests sur notre concept auprès de notre cible jusqu’à ce qu’il soit cohérent et en phase avec ses attentes. Nous avons diffusé le magazine pendant six mois à Bordeaux avant de devoir changer de formule.
C.F. Pourquoi ne pas continuer la version gratuite ?
S.C. Nous nous sommes rendues compte qu’à seulement deux, nous n’avions pas le temps ni les moyens de tout faire : la partie commerciale, la rédaction, la mise en page… Le magazine a beaucoup plu, nous avions de très bons retours et des demandes pour qu’il soit diffusé un peu partout en France. Le problème était surtout de trouver des annonceurs. Etant une presse locale, les marques nationales n’étaient pas intéressées par notre produit. Ce qui réduisait considérablement notre champ d’action… Il n’était donc pas question d’abandonner le projet mais de trouver un nouveau business model. Nous avons d’ailleurs été approchées par un éditeur parisien mais nous avons décliné l’offre pour rester indépendantes. C’est ainsi que nous avons étoffé le contenu du magazine (de 32 à 68 pages) avec notamment la création de nouvelles rubriques, pour le rendre payant.
Preum’s, un magazine fait avec les enfants
C.F. Quelle est la ligne éditoriale de Preum’s ?
S.C. L’objectif du magazine est qu’il convienne à la fois aux enfants de 6 ans et aux pré-ado de 10 ans. C’est pourquoi on retrouve des rubriques de différents niveaux comme une double page d’actualité, des jeux, une boîte à questions ou encore des recettes scientifiques. Nous voulions un magazine généraliste car la presse enfantine est aujourd’hui beaucoup trop genrée ou spécialisée (princesse, nature, animaux, etc.). Pour le contenu, nous essayons là aussi d’aborder tous les sujets. Nous évitons cependant tout ce qui touche à la politique et à la religion, même si nous avons fait un point spécial sur les présidentielles ce printemps. Si nous constatons une forte demande de la part des enfants, nous consacrerons plus de place à ces thématiques.
C.F. Comment choisissez-vous les sujets ?
S.C. Nous avons mis en place un comité de rédaction d’une dizaine d’enfants entre 5 et 12 ans. Nous les consultons régulièrement pour leur demander les sujets qui les intéressent, ce dont ils parlent dans la cours de récréation, à quoi ils jouent, quelles sont les expressions à la mode. Ce sont eux qui nous soufflent les idées. L’avantage avec les enfants, c’est qu’ils ne sont pas langue de bois et on peut être sûr de leur franchise.
C.F. Quels sont vos projets de développement ?
S.C. Toute marque, aussi bonne soit elle, ne peut pas fonctionner sans une bonne communication. C’est pourquoi nous travaillons activement sur une stratégie de communication pour faire connaître Preum’s à un plus large public possible. Une fois que le magazine sera bien installé, nous aimerions développer le produit notamment sur Internet avec un accès pour les parents et un autre pour les enfants.
Etre entrepreneur à 27 ans
C.F. Monter sa boite avant 30 ans, cela ne doit pas être évident tous les jours…
S.C. En fait, ce qui a été le plus compliqué était d’être des jeunes femmes. Parfois, nous demandions à des hommes de prendre des contacts car avec un même discours ils avaient beaucoup plus de crédibilité aux yeux des interlocuteurs. Ce n’était bien sûr par systématique. Si la plupart des gens étaient surpris, nous les rassurions rapidement grâce à notre discours clair et cohérent.
C.F. Pourquoi entreprendre dès la sortie de l’école et ne pas attendre d’avoir un peu plus d’expériences ?
S.C. Quand on entreprend, surtout dans l’univers de la presse, il faut être capable de travailler plus de 12h par jour, d’avoir de l’énergie à revendre sans salaire à la fin du mois. Après l’obtention de notre diplôme, nous n’avions pas d’enfant, pas d’engagement financier. Nous ne risquions pas grand-chose parce que nous n’avions pas grand-chose. Je ne pense pas que plus âgée, dans une autre situation, j’aurais eu la même énergie. J’ai d’ailleurs été surprise par ma capacité à encaisser une telle charge de travail et par ma témérité ! Quoi qu’il en soit, cette expérience est un vrai plus sur mon C.V. A la sortie de l’école, je savais rédiger des articles ; aujourd’hui, je connais tout le processus de fabrication d’un magazine. En plus, je travaille dans un univers qui me plait. Je n’avais pas trouvé de telles opportunités avant.
C.F. Avant de vous lancer, vous n’aviez pas appris à créer un média. Avez-vous été accompagnées dans vos démarches ?
S.C. Internet a été un allié important. Nous avons pu suivre des formations gratuites en ligne, notamment en ce qui concerne les techniques commerciales. Nous avons aussi pu compter sur notre réseau et surtout nous en constituer un. A l’IEJ, l’école de journalisme que j’ai suivie, on nous disait que le réseau était important mais je n’avais pas mesuré à quel point ça l’était. Nous avons fait appel aux connaissances de connaissances de connaissances. Nous avons rencontré des personnes bienveillantes, prêtes à nous aider même si elles ne nous connaissaient pas et qui sont encore là aujourd’hui.
Bonus
C.F. Pour finir, un mot pour les étudiants ?
S.C. Faites le plus de stages possibles ! Finalement, les cours sont moins importants que ces expériences en entreprise. Pendant mes trois années de formation, j’étais tout le temps en stage. C’est ce qui m’a le plus appris.
Propos recueillis par Mélodie Moulin