Publié le vendredi 13 janvier 2017
Claire Bricogne ou la passion du cyclisme
Actuellement journaliste de sport à La Chaîne L’Equipe, Claire Bricogne est la première femme à avoir commenté le Tour de France en juillet 2015. Retour sur son parcours et sa vision du journalisme.
Comment la passion du journalisme vous est-elle venue ?Claire Bricogne. Je pense que c’est arrivé totalement par hasard. Petite, je regardais beaucoup la télévision. J’ai entendu parlé dans une émission du métier de journaliste de sport. Depuis, j’ai tout fait pour m’orienter vers ce métier. J’étais alors en 5e. J’ai suivi un bac littéraire puis une licence de lettres avec une spécialisation médias et communication en dernière année. J’ai fait un stage au Courrier Picard puis ai exercé en tant que correspondante. J’ai envoyé ensuite des interviews pour le site velo-club.net. Je n’ai pas attendu d’apprendre pour faire les choses, je me déplaçais sur les événements. J’avais déjà cette envie-là.
Vous aviez déjà un pied dans le métier. Pourquoi avoir choisi de faire un M1 journalisme de sport ?
C.B. J’ai décidé de reprendre mes études car je voulais changer de médias. J’aime beaucoup la presse écrite. Je m’y suis épanouie mais je souhaitais faire autre chose et pour cela, il me fallait une formation qui m’apprendrait les bases que je ne pouvais pas acquérir autrement. Le M1 Journalisme de sport à l’IEJ Paris était parfait pour cela car il permettait d’appréhender les quatre médias (presse écrite, web, TV et radio) et avait l’avantage de traiter exclusivement de sport !
Pourquoi le sport et plus particulièrement le cyclisme ?
C.B. Quand j’étais petite, je suis tombée sur une étape du Tour de France. Ça m’a tout de suite plu. Je pense que c’est le côté populaire qui me plaisait, ce côté grande fête. Plus tard, j’ai découvert l’aspect plus sérieux de l’événement. Cela ne signifie pas que je ferai du sport toute ma vie. J’aime le journalisme pour plein d’autres raisons. Simplement, pour l’instant, c’est dans le sport que je me sens la plus compétente.
Vous êtes aujourd’hui en CDI à La Chaîne L’Equipe. Cela ne vous manque-t-il pas de travailler pour plusieurs médias ?
C.B. Au contraire, cela me laisse plus de libertés dans mes recherches et je me sens plus impliquée dans un projet. Je fais aussi de multiples missions : je suis tantôt JRI (journaliste reporter d’images), tantôt envoyée spéciale, tantôt j’interviewe des sportifs ; je commente des courses et suis parfois sur un plateau. Il y a une charge de travail importante avec beaucoup de préparation.
Quels sont vos meilleurs souvenirs sportifs ?
C.B. Avant d’être journaliste, la Coupe du monde 2006 que j’ai suivi à quelques kilomètres seulement des Bleus. Je me souviens avoir tremblé pour récupérer un autographe de Zidane. Et puis ces moments de fête autour du Tour de France. Aujourd’hui, je garde une multitude d’ambiances en tête, car c’est ce que j’aime retransmettre. Autant le chaos en salle de presse après l’épisode de Froome qui a couru à pieds dans le Ventoux sur le Tour 2016, que le froid qui paralysaient les coureurs après certaines étapes du Tour de Suisse, ou ceux qui s’effondrent de fatigue après une étape, que les fans d’un stade de foot qui se répondent pour créer une ambiance. Ça vit, en fait.
Vous avez été la première femme à commenter le Tour de France en 2015. Comment ça s’est passé ?
C.B. J’ai commenté la course aux côtés de Patrick Lafayette. Il était juste génialissime ! Il m’a laissée prendre mes marques et il y avait un juste équilibre dans le duo. Personne ne marchait sur l’autre. S’il n’avait pas été bienveillant et si je n’avais pas été à l’aise avec lui, je ne garantis pas que les commentaires se soient bien passés. J’avais une trouille bleue… Heureusement, nous commentions dans les conditions du direct mais nous n’étions diffusés que le soir. Ça me laissait un peu de répit. Le Tour de France a été ma première expérience en commentaire. C’était fantastique !
Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que vous étiez prise pour le poste ? *
C.B. J’étais dans une station de métro quand on m’a appelée. J’ai failli crier de joie devant tout le monde ! J’étais super contente même si j’avais beaucoup de pression. Cette année, c’était la première fois que je suivais le Tour sur le terrain et j’avais cette même pression. Chaque événement est un pur bonheur mais ce n’est pas toujours évident de tenir nerveusement. Cependant je préfère réagir de la sorte. Cela montre que je ne m’en fiche pas.
Le chemin pour en arriver là a dû être difficile…
C.B. J’ai bien patienté avant d’atteindre ce poste. J’ai dû reprendre mes études après avoir quitté l’école, ce n’était pas évident. Quand je suis arrivée à L’Equipe, je me suis occupée pendant un an du bandeau qui défile en bas de l’écran. J’ai failli baisser les bras plus d’une fois. Mais je sais que ma route n’est pas terminée. Même si aujourd’hui je commente régulièrement des courses, je sais que je ne suis pas parfaite et que la roue tourne. J’ai encore du travail à faire pour m’améliorer.
Quel est votre objectif, votre rêve ?
C.B. Pour moi, mon poste à L’Equipe est parfait. Je fais déjà ce que je rêvais de faire quand j’étais petite. Aller sur les courses et les commenter, ce n’est pas donné à tout le monde. Désormais, je ne me fixe pas d’objectif si ce n’est de m’améliorer.
Qui sont vos modèles aujourd’hui dans l’univers du journalisme ?
C.B. Ce sont plus des rencontres qui me forgent que des modèles. Je peux être encouragée ou je peux avoir du respect pour une méthode de travail d’un confrère ou pour leur talent ou leur sincérité. J’essaie d’en retirer le maximum dans ce cas car la force de mon métier, ce sont les rencontres. J’ai par contre toujours été fascinée par la façon d’interviewer de Jacques Chancel, si l’on élargit au domaine culturel. J’écoute souvent ses radioscopies. Il avait le talent de la distance qui menait quand même à la confidence. Mon idéal journalistique est là.
Avez-vous souffert d’être une femme dans ce milieu masculin ?
C.B. C’est vrai que ça n’a pas toujours été drôle mais aujourd’hui je ne vois plus trop la différence. J’ai dépassé cette question-là et oublié les moments pénibles. J’ai galéré pour prouver que j’étais compétente et on m’a vite donné ma chance. Le cyclisme n’est pas un milieu machiste, bien qu’il arrive qu’on m’attribue un intérêt amoureux pour tel ou tel sportif, parce qu’on a interprété un de mes propos à l’antenne. Le sport, c’est une émotion, un ressenti, oui. Mais puisque je suis une femme, je subis souvent des raccourcis simplistes : « Elle est amoureuse d’untel, elle est fan d’untel ». Ce qu’honnêtement ne subissent pas les hommes. Je me suis beaucoup interrogée sur la question mais je ne changerai pas pour mon enthousiasme pour autant, d’autant que je fais tout pour maintenir ma vie privée à l’écart de ma profession.
Quels sont les projets de L’Equipe pour 2017 ?
C.B. Cette année, on passe à l’échelon supérieur en intégrant dans nos programmes des grosses courses comme le tour d’Italie. J’ai hâte !
Propos recueillis par Mélodie Moulin