Publié le samedi 19 novembre 2016
Blogueur d’entreprise, un vrai métier ?
Fondateur du blog à son nom, Stéphane Briot forme les entrepreneurs dans leur transformation numérique. Son prochain livre Bien utiliser son blog aux éditions Eyrolles, prévu en 2017, sera consacré au blogging. Retour sur son parcours et sa vision du blog d’entreprise.
Vous vous êtes mis à Internet dès son arrivée en France. Pourquoi ce vif intérêt ?
Stéphane Briot. C’était pour moi une manière de découvrir le monde sans sortir de chez moi. Je suis issu d’une famille aux revenus modestes et je n’avais pas les moyens de voyager. Grâce à Internet, je pouvais voir le monde sans bouger, découvrir les avis des gens sur de nombreux sujets et discuter avec eux. Au départ pour télécharger des logiciels, il fallait envoyer une carte postale aux développeurs pour recevoir le numéro de licence. C’était l’occasion d’échanger avec eux. A l’époque, je regardais Internet comme on regarde un film. Je découvrais l’outil informatique, je démontais et remontais mon ordinateur et faisais surtout de la retouche photo.
Vous avez appris le code en autodidacte. Dans un monde de plus en plus exigeant, pensez-vous que l’on puisse encore apprendre seul ?
S.B. Totalement, du moins en ce qui concerne le domaine du web. Le secteur n’est pas encore structuré. L’Etat est en retard et bien qu’il existe quelques écoles privées qui permettent de se former, les métiers, comme blogueur, ne sont pas encore reconnus. C’est dommage car ce sont de vrais métiers qui nécessitent de multiples compétences.
Vous êtes devenu entrepreneur en 2009. Qu’est-ce qui vous a motivé ?
S.B. Je ne trouvais pas ma place dans l’entreprise. Je ne critique pas pour autant l’entreprise car certains peuvent y élaborer de beaux projets. On peut y faire des choses extraordinaires qu’un entrepreneur ne peut pas faire seul : ce sont par exemple des salariés de la NASA qui ont marché sur la Lune en 1969 ! Mais, moi, j’ai besoin de toucher à tout. La seule solution était d’inventer mon propre travail. C’est intéressant, car je suis confronté à des problématiques variées. Et puis, cela me permet d’adapter mes horaires pour m’occuper de ma fille au quotidien.
Votre fille prend une place importante dans votre vie, jusqu’à faire l’objet du titre de votre blog, 4h18 (l’heure de sa naissance) …
S.B. A l’origine, je l’ai créé pour partager les photos de ma fille avec des proches. Mais j’ai remarqué que les gens étaient plus réceptifs sur Facebook. J’ai quand même gardé le nom. Quand les gens apprennent sa signification, ils sont perturbés. J’ai l’habitude de faire de l’humour noir et ils sont étonnés de me voir porter un pseudo si humain et plein d’amour.
Pourquoi ne pas conserver ce pseudo ?
S.B. Je continue de l’utiliser mais avec la sortie de mon livre, je préfère communiquer avec mon vrai nom pour que les gens me reconnaissent.
« Certains métiers comme blogueurs ne sont pas reconnus. C’est dommage car ils nécessitent de multiples compétences. »
La sortie de votre livre est prévue pour 2017. Sur quoi portera-t-il ?
S.B. Comme son titre l’indique, il tournera autour de la question de la bonne utilisation de son blog d’entreprise. L’idée est de donner les bases pour créer un projet de blog au sens professionnel du terme. Comment, moi, entrepreneur ou directeur d’une PME, je peux m’installer sur Internet ?
Quand on parle d’un blog, on pense tout de suite aux espaces où les ados racontent leur vie…
S.B. Le blog est en effet un produit populaire qui souffre de sa popularité. Si des ados l’utilisent pour faire part de leurs premiers émois sentimentaux, il peut se décliner en d’autres versions plus sérieuses comme un moyen pour les entreprises de communiquer sur un produit. En 1999, il n’en existait que 23 ! Quelques années plus tard, avec le développement de plateformes comme Skyblog, il y en avait des millions. Très peu avaient une finalité sérieuse. Le blog d’entreprise est très récent. Les entrepreneurs commencent à peine à l’utiliser et la plupart ne savent pas comment s’en servir correctement.
Justement, comment utiliser un blog d’entreprise ? Que doit-on y mettre ?
S.B. Il n’y a pas de schéma type. Le blog est ce que l’entreprise veut en faire. Il faut se demander : pourquoi je veux communiquer, pour qui et est-ce utile ? Une boutique de vêtements peut par exemple mettre l’accent sur un type de laine qu’elle utilise, aller à la rencontre de son producteur, expliquer pourquoi elle l’a choisie, etc. C’est ce que l’on appelle du content marketing. L’objectif est d’attirer le prospect en faisant appel à ses émotions. Prenons l’exemple d’un couvreur de toits. Ce n’est pas un sujet glamour. Pourtant, un toit représente la famille, le foyer. S’il a une fuite, la famille est menacée. Le couvreur se positionne alors en sauveur. Cela parle beaucoup plus que des données techniques.
Qui peut écrire dans un blog ?
S.B. La force de cet outil est que les gens peuvent écrire comme ils parlent. Le blog est accessible autant aux littéraires qu’aux gens qui, comme moi, ont un bac -4. On écrit avec nos tripes et des mots simples. Ça ne nous nous empêche pas de communiquer et d’intéresser. Avec Internet, il y a un public pour tout le monde.
« Il ne faut pas ouvrir un blog avant d’avoir au minimum 20 articles »
Vous évoquiez le fait qu’un blogueur doit avoir de multiples compétences. Quelles sont-elles ?
S.B. Il doit connaître son propre secteur, cela va de soi, mais aussi le référencement naturel, les techniques de création de contenu, il doit savoir raconter des histoires, entretenir une relation marketing avec ses clients, vendre et acheter des espaces publicitaires sur Internet, installer un CMS, faire de la mise en page, se faire des contacts, etc. Il n’est pas nécessaire d’être un expert dans tous ces domaines mais d’avoir au moins les bases.
Alimenter un blog, cela prend du temps…
S.B. Beaucoup plus que ce que l’on peut imaginer ! Pour le mettre en place, il ne suffit pas de télécharger un WordPress. Il faut remplir cette coquille vide, la promouvoir et trouver les prospects. Je conseille de ne pas publier un blog avant d’avoir au moins 20 articles. L’idéal étant d’avoir 50 postes. Cela permet de bien lancer la promotion et d’avoir du temps pour écrire de nouvelles publications dans les semaines qui suivent.
A quelle fréquence faut-il publier ?
S.B. Cela dépend du secteur et des actualités ou événements. Dans le milieu du high-tech, il faut publier 2 à 3 fois par jour alors que dans d’autres secteurs on peut se contenter de 2 à 3 publications par semaine. Une fois que la machine est lancée, les partages se feront presque automatiquement.
Est-ce primordial pour une petite entreprise d’être présente sur Internet ?
S.B. Absolument, car le premier réflexe du consommateur pour trouver des informations est de regarder sur la toile. S’il ne vous y voit pas, il ira chez un concurrent. La présence sur le web d’une entreprise lui rapporte du chiffre. Prenons l’exemple d’un de mes clients qui travaille dans le mobilier de cuisine adapté aux seniors : aujourd’hui, 80 % de sa clientèle vient de son site Internet. Ce dernier lui a permis de se développer sur le marché national. Enfin, grâce à un blog, l’entreprise peut s’affranchir de certains coûts externes et ne plus dépendre du bon vouloir des plateformes comme Facebook pour se promouvoir. Si un jour le média social décide de supprimer les pages pro (ce qui n’arrivera pas), l’entreprise ne serait pas en danger puisqu’elle diffuse aussi via son blog.
« Le blogueur serait une sorte de rédacteur en chef au sein de l’entreprise. »
On comprend l’intérêt du blog pour une entreprise. Comment expliquer que la fonction de blogueur ne soit pas reconnue ?
S.B. C’est une démarche compliquée pour une entreprise car elle se voit intégrer une salle de rédaction, elle devient un véritable média alors qu’elle n’est pas faite pour ça. L’entrepreneur n’est pas certain non plus d’avoir un retour financier suffisant pour embaucher quelqu’un. Ce serait pourtant intéressant de se pencher sur la question de la création d’un métier. Le community manager a bien trouvé sa place. Ce serait une sorte de rédacteur en chef au sein de l’entreprise qui serait le point de référence entre les différents services et l’extérieur. Un métier qui demanderait des compétences techniques mais aussi rédactionnelles et nécessiterait de nombreuses rencontres. Ce serait passionnant !
Une dernière chose à savoir avant de se lancer dans le blogging ?
S.B. Un blog, ça ne se fait pas tout seul. C’est comme pour tout, il faut travailler. J’aime beaucoup l’expression « toute peine mérite salaire » qui est très juste ! Pour y arriver, il faut bosser, avoir envie d’apprendre, être curieux et astucieux. Le jeu en vaut la chandelle. L’expérience est extraordinaire, truffée de rencontres très enrichissantes. Il nous arrive des choses que l’on ne pouvait pas imaginer. Je n’aurais jamais pensé écrire un livre, encore moins pour une grande maison d’édition (Eyrolles, ndlr) !
Auteur : Stéphane Briot
Editions : Eyrolles
Date : janvier 2017
Prix : 20 €
Résumé : Près d’un million d’auto-entrepreneurs, les TPE (en avril 2015) représentaient les deux tiers des entreprises françaises, ainsi que 9% du PIB (source INSEE). Toutes ces entreprises ne sont pas digitalisées. Internet est un monde obscur pour la plupart. Apporter un ouvrage pouvant à fois les accompagner, les guider, dans leurs premiers pas représente un véritable enjeu. Créer un blog est souvent le début d’une aventure humaine passionnante qui peut vous conduire bien au-delà de ce que vous pourriez imaginer.
Propos recueillis par Mélodie Moulin